Paris, c'est elles aussi
Cherchez la femme ! aurait dit le lieutenant général de police Antoine de Sartine. Et vous trouverez une histoire insolite de Paris
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On ne peut faire un pas dans Paris, sans tomber sur une femme ! Reines, artistes, salonnières, militantes, cocottes, mécènes, folles de mode, photographes, gamines de Paris, écrivains, héroïnes de romans, elles sont là, à la fois téméraires, ingénieuses, sulfureuses, audacieuses, vénéneuses. Elles ont contribué à faire de Paris une capitale. Elles ont tissé son histoire et sa géographie. A travers le destin de ces femmes, Pauline Ambrogi propose dans « Paris, c’est elles aussi » de redécouvrir Paris en 10 points.
Comme toutes les vieilles dames, Paris a beaucoup d’histoires à raconter. Et si la Seine, cette immortelle déesse, pouvait parler, elle nous chuchoterait à l’oreille que de beaux Gaulois se baignaient dans ses eaux pour y gagner sa force protectrice.
Lutèce devient Paris, la cité des Parisii, mais ce n'est qu'à la fin du Ve siècle après J.C., du fait de l'essor de la cité gauloise sous le règne de Clovis, que Paris devint la capitale du royaume des Francs.
(Paris doit son nom au peuple gaulois des Parisii (au nominatif pluriel). Le mot Paris est issu du latin Parisiis (au datif locatif pluriel), désignation qui a supplanté Lutetia)
Quel est le point commun entre le pont des Tournelles, Saint Etienne du Mont et le Jardin du Luxembourg ? Sainte Geneviève, la sainte patronne de Paris qui veille sur la capitale.
D’autres femmes consacrées à Dieu ont marqué Paris
Le 9ème arrondissement compte nombre de noms célèbres donnés au métro et aux rues de ces quartiers : Barbès-Rochechouart, La Tour d’Auvergne (rue), La Rochefoucauld (square). Ces noms sont ceux des mères abbesses issues des plus grandes familles aristocratiques de la capitale.
Sur la colline de Montmartre, la communauté religieuse de Saint-Martin-des-Champs cultive déjà des vignes centenaires, entretient les pressoirs et les vergers. Selon Adélaïde de Savoie, cette colline est l’endroit idéal pour fonder une abbaye bénédictine de femmes qui s’occupera de…cultiver la vigne. In vino veritas ?
Paris est composé d’arrondissement qui comptent quatre quartiers chacun. Ces quartiers ont leur histoire, leur réputation et des noms y sont attachés : Adelaïde de Savoie est attachée à Montmartre.
Françoise d’Aubigné, plus connue sous le nom de Madame de Maintenon, habite le quartier du Marais. Elle y fréquente les Précieuses ; Kiki, la muse de Man Ray, a jeté son dévolu sur Montparnasse. Elle s’encanaille à la Retonde, au Dôme et à La Coupole. Juliette Gréco ne jure que par Saint Germain des Prés où elle danse au Tabou.
Mais Colette, qui a déménagé de si nombreuses fois dans Paris, va nous toucher deux mots des quartiers de la capitale. (Quai des grands augustins – rue Jacob – Passy – 16e – entresol du Palais-Royal – Hôtel Claridge Champs Elysées – Rue de Beaujolais.)
Devinette : On ne les trouve qu’en France, un peu en Suisse et en Belgique, mais surtout à Paris ? Il en existe encore 400 sur les 2000 qu’en comptait la capitale au XIX siècle. Qui sont-ils ?
Les hôtels particuliers, ces belles et grandes maisons bâties en ville et destinée à une seule et même famille ont une longue histoire. Tout le monde voulait son hôtel particulier même les demi-mondaines ! La Païva en a fait son palais des mille et une nuits.
Si Paris a connu un roi, elle est alors une reine !
Anne d’Autriche, la mère de Louis XIV, a contribué à l’édification de Notre Dame du Val de Grâce. Après 23 ans de mariage, elle a enfin un fils. Elle n’y croyait plus. Pour tenir sa promesse, elle fait élever une magnifique église en remerciement à Dieu de lui avoir donné un enfant.
La marquise de Pompadour est fascinée par le destin de Madame de Maintenon. Elle voudrait, comme elle, créer une école royale. Elle convainc le roi Louis XV de fonder l’Ecole royale militaire pour y accueillir 500 fils de la noblesse désargentée. C’est un succès, mais on oublia qu’elle fut à l’origine de ce projet, l’Ecole militaire, qu’on attribua au comte d’Argenson.
Catherine de Médicis déteste ce qui est lugubre et démodé. Au diable l’hôtel des Tournelles ! Elle tient à se faire construire un palais et un jardin à l’italienne. Ce palais n’est autre que le Palais des Tuileries, à côté du Louvre. L’impératrice Eugénie, la femme de Napoléon III, en profitera, quelques siècles après, pour y donner les plus beaux bals de Paris.
Marie de Médicis, épouse d’Henri IV, aime les arts, l’architecture et les jardins…
Qu’ont en commun Olympes de Gouges et Louise Michel ?
1889, 1830, 1848, 1870 ces dates font références aux révolutions qui ont bouleversé Paris et la
France.
Olympes de Gouges est une agitatrice politique. En pleine Révolution, elle fait paraître la Déclaration de la femme et de la citoyenne calquée sur la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789. La liberté d’expression, l’instauration du divorce, la création de foyers pour mendiants sont ses chevaux de bataille. Elle traite Marat d’avorton de l’humanité et accuse Robespierre d’être un criminel. Ces attaques lui feront perdre la tête. En 1793, elle sera guillotinée.
Quant à Louise Michel, elle fera face à de terribles bouleversements qui changeront sa vie à jamais.
De gauche à droite : Olympe de Gouges et Louise Michel
Paris, tout comme ses habitants, connait ses heures sombres. Des lieux sont à jamais marqué par le destin tragique d’hommes et de femmes.
L’ombre mortelle de la guillotine plane sur Paris ; ses lugubres prisons (la Tour du Temple, la prison de la Force, la Conciergerie) où s’entassent de futurs condamnés entachent de sang la capitale ; la hantise des cris des poissardes, des fourches qui se dressent, des piques qui menacent poussent les Parisiens à fuir. C’est l’époque de la Terreur. Marie-Antoinette tout comme madame de Lamballe y ont laissé la vie dans des conditions dramatiques.
Fosses communes, ossuaires, cimetières… il y en a des morts à Paris. Surtout après les révolutions. Six millions d’os « made in Paris » sont issus de 17 cimetières et de 145 monastères ! A en avoir la chair de poule. C’est bien ce qu’à éprouver Emilie Sésanne, le jour où elle est descendue aux enfers.
Si Paris est le monde des ténèbres, c’est aussi celui de la nuit
Paris, c’est une fête
Kiki fréquente le Jockey, un cabaret nocturne à Montparnasse. Elle y retrouve ses amis peintres et écrivains pour y passer des nuits joyeuses. Elle y chante aussi. Le champagne coule à flot.
La Goulue, à Montmartre, danse le French Cancan au Moulin Rouge devant une clientèle enflammée, mais aussi un drôle de zigue qui a pour nom Toulouse-Lautrec.
Paris, c’est la mode
Madame Tallien qui fréquente Joséphine de Beauharnais est la reine des Merveilleuses. Elle emprunte à l’antiquité grecque sa garde-robe. Elle marche pieds nus, cercle ses jambes de joncs en or, se couvre la tête de perruque et arbore les premières robes Directoire. Elle incarne la Parisienne de l’époque.
L’impératrice Eugénie craque pour le couturier Charles Worth, l’inventeur du défilé de mode. Fini les robes à crinoline, vive les robes à fourreau. Worth devient le couturier de la haute société parisienne.
Et puis, n’oublions pas Chanel, la rivale de Jeanne Lanvin, qui installe rue Cambon. Sa boutique est le passage obligé des femmes chics de la haute société. C’est Chanel qui donne le ton. Elle modèle l’image de la parisienne chic et intemporelle.
Paris, c’est la ville lumière
Strass, paillettes et étincelles, elle est sous les feux de la rampe grâce à la Tour Eiffel qui scintille de milliers de petites ampoules chaque soir.
Qu’ont en commun Clémentine Dufaut, femme cocher en 1907, et Anne Hidalgo ?
Les problèmes de transports !
Paris est aussi la ville du quotidien. On y habite, on y travaille, on y circule.
Nous sommes en 1907 et question embouteillages, Clémentine Dufaut en connait un rayon ! Elle est la première femme cocher. Pas une rue de Paris n’a de secret pour elle et elle en connait tous les dangers.
À Paris, on exerce toute sorte de petits métiers. Isabelle est une bouquetière, mais pas n’importe laquelle. Elle est la bouquetière des jeunes gens les plus en vue de Paris, les membres du Jockey club à qui elle fournit bouton de rose ou camélia blanc qu’elle arrange à leur boutonnière. Du prince de Galles aux Romanov, elle connait tout le beau monde de Paris !
Comment s’y retrouver parmi tous ces magasins ? Commerce de détails, marché, halles, grands magasins. Ça s’affaire, ça négocie, ça marchande, ça vend, ça fait faillite ou ça prospère. Marie-Louise Jaÿ et son mari, Ernest Cognacq ne peuvent pas avoir d’enfant. Ils ont du temps à consacrer à leur projet : faire croitre leur entreprise. La Samaritaine, c’est leur bébé ! On y trouve de tout à la Samaritaine, du fixe-chaussette pour homme aux dentelles pour jeunes filles. Marie-Louise en est très fière.
Julie Bécheur exerce une autre sorte de commerce. Elle appartient au monde tumultueux des marchandes des Halles. Elle est fruitière-orangère et vend ses délicieuses oranges.
Si Julie Bécheur, appelée Rose de Mai, inspire les poètes, d’autres femmes contribuent à l’éclat littéraire et artistique de la capitale. Déjà Marguerite de Valois se passionnait pour la vie intellectuelle de son temps. C’était un vrai ministre de la culture, à la fois muse et mécène. Son rêve, se faire construire un palais où elle pourra animer un vrai cercle littéraire et une cour qu’elle souhaite plus brillante que celle du Louvre.
Si Marguerite est à l’origine d’un des tout premiers salons parisiens (16ème), d’autres lui emboitent le pas. Au 18ème siècle, Madame de Tencin, madame Geoffrin, au même titre que Germaine de Staël, Mme de Lambert, Mme Roland, Sophie de Condorcet, pour ne citer qu’elles, diffusent les avancées intellectuelles, scientifiques et artistiques dans leur salon. On les appelle les salonnières. A certaines époques, on les connait aussi sous le nom de Précieuses. C’est le cas de la Marquise de Sévigné, admise à l’hôtel de Rambouillet.
Aux lettres se joignent les arts. Paris compte nombre d’artistes et de collectionneurs. D’où vient le nom du musée Jacquemart-André ? C’est Cornélie, ou plutôt Nélie, elle préfère, Jacquemart qui en est à l’origine. Passionnée par l’art, elle épouse Edouard André. Tous les deux s’enflamment devant toiles et sculptures. D’ailleurs, ils ne tardent pas à installer dans leur hôtel particulier des fresques immenses de Tiepolo.
Il n’y a pas que la peinture qui donne sa renommée de la capitale. La photo aussi a sa place. Paris se laisse photographier comme une demoiselle coquette qui sait qu’elle perdra un jour ou l’autre sa beauté. Grâce à Bérénice Abbott, l’œuvre d’Eugène Atget sera sauvée.
Bérénice Abbott
Nous pourrions continuer des heures à parler de Paris et de ces femmes qui ont imprimé cette ville comme on retrouve des visages sur une photographie. Aux côtés de ces femmes de chair et de sang qui ont marqué l’histoire de Paris, d’autres, issues de la littérature et du cinéma, n’en ont pas moins marqué la capitale. Esmeralda et Notre Dame de Paris, Garance et le boulevard du Crime, Cosette et le couvent du petit-Picpus, les égouts, les barricades et enfin le jardin du Luxembourg !
J’espère que cette conférence aura changé votre regard sur Paris et qu’en vous promenant, vous y devinerez, à chaque coin de rue, l’influence de nos héroïnes.
Pauline Ambrogi