Rien n’est jamais acquis pour les droits des femmes et le livre de Rina Mallone-Dupriet, « Ces femmes qui ont contribué à l’évolution de leur reconnaissance sociétale » est là pour nous le rappeler.
Invitée de la conférence de l’Académie de la Poésie Française du 12 mars 2025, à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes, Rina Mallone-Dupriet a retracé la lente évolution du statut de la femme de l’Antiquité à nos jours.
Pour ce faire, elle s’est appuyée sur le parcours de femmes inspirantes peu ou mal connues.
Force est de constater aujourd’hui, qu’en France, peu de femmes sont entrées au Panthéon, à l’Académie Française ou encore à avoir été décorées de la Légion d’Honneur.
Sur le plan des arts, pendant de nombreux siècles, la condition féminine n’a pas été reconnue. Aujourd’hui encore, dans une société dominée par la technologie, la société reste masculine.
Dans son livre, Rina Dupriet-Mallone nous invite à remonter le cours de l’histoire notamment sur le plan littéraire. Les femmes étaient méprisées de leurs contemporains qui n’hésitaient pas à affirmer que leurs textes étaient fades et mièvres. La grande Christine de Pizan en a fait les frais. Première femme au Moyen-Age à vivre de sa plume, elle a fait l’objet de critiques acerbes de ses contemporains eu égard à son érudition. Et comme elle avait de la répartie, elle leur asséna : «si ce n’est pas l’affaire des femmes d’être savantes, c’est encore moins celle des hommes d’être ignorants ». Elsa Triolet au XX ème siècle n’échappera pas aux sarcasmes masculins lorsqu’elle obtient le prix Goncourt en 1945 : « elle ressemble à des enfants chargés de couronnes à la sortie de la distribution des prix, des livres pleins les bras ! »
Pourtant dans l’Antiquité, dès le quatrième siècle avant Jésus Christ, Platon dans son ouvrage les « lois », développe une théorie de l’éducation des filles et des garçons, fondée sur trois principes :
l’école d’État
L’enseignement obligatoire
L’égalité entre l’éducation des filles et des garçons.
Platon serait-il le précurseur du féminisme tout comme Christine de Pizan au Moyen-Age ?
Cependant, l’image de Pénélope filant et défilant sa toile en attendant le retour d’Ulysse a perduré pendant des années et perdure encore dans certains milieux. D’ailleurs en 1912, le baron Pierre de Coubertin déclarait à Stockholm : « une olympiade femme serait impratique, inintéressante, inesthétique et incorrecte ». Heureusement Alice Milliat demande la participation des femmes aux épreuves d’athlétisme et Juan Antonio Samaranch les fait entrer au Comité International Olympique.
Christine de Pizan, Elsa Triolet, Alice Milliat
Le temps des révolutions
14 juillet 1789.
La France fait sa révolution. Des femmes s’engagent en politique et expriment leurs convictions sur les places publiques. Parmi elles, une femme de lettres, Olympe de Gouges, qui n’aura que le droit de monter à l’échafaud. Théroigne de Méricourt sera internée, pour hystérie, pendant plus de vingt ans à l’Hôtel Dieu.
Olympe de Gouges, Théroigne de Méricourt
1830 : la monarchie de juillet.
Comme à chaque époque de notre histoire, l’éducation et l’instruction sont au centre de grands principes dès qu’il y a un changement de gouvernement.
Une fois de plus la femme est renvoyée à son rôle d’épouse et de mère de famille. Donc pas de programme d’éducation pour elle.
Lamartine ira jusqu’à déclarer « l’éducation publique ne convient qu’à celui qui est destiné comme nous à la vie publique ! » Les femmes tentent de prendre leur destin en main mais se heurtent à la misogynie ambiante. Une journaliste, Claire Delmar, publie « l’appel d’une femme au peuple ». Charles X interdit les cours publics ouverts par Louise Dauriat. Flora Tristan, Madeleine Poutret de Mauchamps, toutes ces femmes engagées et pionnières retombent dans l’oubli.
Flora Tristan
1848. les femmes ne baissent pas les bras et repartent à l’assaut pour défendre leur statut, parmi lesquelles Lisa Lemonnier, fondatrice de l’enseignement professionnel. Certaines s’engagent dans la campagne électorale et propose George Sand comme candidate.
Cette dernière repousse leur proposition au motif : « qu’accorder le droit de vote aux femmes est prématuré puisqu’elles ne sont pas socialement émancipées !
Et d’ajouter : pour que la condition des femmes change, il faut que la société soit radicalement transformée » Néanmoins, elle utilisera sa plume pour demander la légalisation du divorce et le droit pour les femmes à s’affranchir et à gérer leur fortune ».
Hélas, en dépit d’un immense espoir, ces femmes seront victimes de l’indifférence puis de l’oubli et du silence. Certains journalistes les cloueront au pilori en les accusant de vouloir détruire la structure familiale.
Pierre-Joseph Proudhon ira jusqu’à passer sous silence le nom de Josiane Derouin, fondatrice de l’Union des associations. Il effacera sa trace dans l’histoire. Elle sera condamnée à la prison avec Pauline Roland, déportée en Algérie où elle décédera.
Quant au droit de vote des femmes, il interviendra en 1947 alors que les femmes ont fait tourner la France pendant les deux guerres mondiales.
Liberté de disposer de son corps
Il faudra attendre près d’un siècle pour qu’une gynécologue, Marie-Andrée Lagroua Weill-Hallé préconise le contrôle des naissances et fonde en 1956 le mouvement « Maternité heureuse » qui deviendra en 1960 le Mouvement Français pour le Planning Familial. Des intellectuelles comme Simonne de Beauvoir n’hésitent pas à déclarer : « on ne naît pas femme, on le devient ». D’autres comme Françoise d’Eaubonne, Colette Audray, Evelyne Sullerot déclarent : « Nous vivons dans une fiction démocratique car il n’y a rien derrière la prétendue égalité politique »
Signes des temps, sur proposition de Michel Debré, Nafissa Sid-Cara est nommée secrétaire d’État chargée des questions sociales en Algérie et de l’évolution du statut personnel du droit musulman.
Elle devient ainsi la première femme membre d'un gouvernement de la Cinquième République et la première secrétaire d'État de confession musulmane.
Il faut attendre 1973 pour qu’un secrétariat à la condition féminine soit créé par le Président Giscard d’Estaing.
Le 29 novembre 1974, la loi Weil sur l’avortement sera signée et promulguée le 17 janvier 1975.
Simone de Beauvoir, Françoise d'Eaubonne, Evelyne Sullerot
La parité
1992 verra le premier sommet européen « Femmes et Pouvoirs ». Simone Weil et Edith Cresson (première femme Premier Ministre) signent une charte sur « la parité comme principe de l’administration et de la gestion politiques des nations. Charte qui sera suivie en 1993 du manifeste des 5771 pour une démocratie paritaire. « Les assemblées élues au niveau territorial, national sont composés d’autant de femmes que d’hommes ».
Qu’en est-il pour l’avenir
La vigilance s’impose notamment pour les filles qui seront les femmes de demain. Les femmes doivent préserver leurs droits fondamentaux pour vivre, parler, penser, écrire en toute liberté. Et surtout disposer de leur corps comme bon leur semblera sans contraintes ni préjugés.
Mireille HEROS
1C’est le nombre de députés à l’Assemblée Nationale : 289 femmes et 288 hommes
Diplômée de l’Université de Droit de Paris, Rina Mallone-Dupriet, Haut fonctionnaire territorial, maire-adjointe honoraire, actuellement représentante du Soroptimist International à l'UNESCO.
Elle fut Présidente nationale puis Vice-Présidente européenne de l’association féminine de l’O.N.G. SOROPTIMIST INTERNATIONAL favorisant l’accès à l’éducation des filles et des femmes dans le monde.
Depuis son tout jeune âge, elle est passionnée d’écriture et de poésie. Elle est membre de l’Académie de la Poésie Française.
Il est possible de se procurer le livre de Rina Mallone-Dupriet – 137 pages – 15 € TTC « Ces femmes qui ont contribué à l’évolution de leur reconnaissance sociale » en lui écrivant à son adresse-mail: « rina.mallone@orange.fr ».