Pablo Neruda est à la fois un poète engagé et une personnalité politique. Son amour des femmes sera une de ses sources d’inspiration. Prix Nobel de la littérature en 1971. Il écrira jusqu’au dernier jour de sa vie. Il est considéré comme l’un des plus grands poètes du XXème siècle et un défenseur passionné de la justice sociale et des droits de l'homme. Sa vie sera marquée par les voyages et l’exil. Au cours de la conférence de l’Académie de la Poésie Française du 10 janvier 2024, Isabel Girardot nous a fait découvrir un homme de lettres au style très passionné et qui, toute sa vie a défendu la culture de son peuple.
Pablo Neruda, de son vrai nom, Ricardo Eliecer Neftalí Reyes Basoalto, naît 12 juillet 1904 à Parral (Chili) au sein d'une famille de la classe moyenne chilienne. Son père est employé de chemin de fer et sa mère, institutrice. Elle meurt deux ans après sa naissance. Il montre un talent précoce pour l’écriture. Dès l’âge de dix ans, le jeune garçon écrit ses premiers poèmes dans lesquels il chante ses souvenirs d’enfance sur la terre des volcans cernée par les océans :
« Mon enfance, ce sont des souliers mouillés, des troncs cassés
Tombés dans la jungle, décorés par les lianes. C’est la découverte du monde du vent et du feuillage. »
Son premier recueil est publié trois ans plus tard. Il ne cessera plus alors de composer des vers. À partir de 1921, il étudie la langue et la littérature française à Santiago pour devenir enseignant. Il choisit son pseudonyme en hommage au poète tchèque Jan Neruda (1834-1891). Il se fait très rapidement une renommée avec ses publications et des récitals de poésie. À dix-neuf ans, il publie son premier livre « Crépusculaire », suivi un an plus tard de « Vingt Poèmes d’amour et une chanson désespérée ».
En 1927, Neruda entre en diplomatie. Il devient consul à Rangoon, Colombo, Batavia, Calcutta, Buenos Aires. En décembre 1930, il épouse une hollandaise: Maryka Hagenaar qu’il renomme Maruca et qui lui donna une fille : Malva Marina Reyes, née le 18 août 1934. En 1932, il rentre au Chili, et publie « Résidence sur la Terre » en 1933.
Nommé consul en Espagne en 1935, il fera une rencontre décisive pour sa carrière d’homme de lettres, celle de Frédérico García Lorca qu’il avait connu à Buenos Aires. En 1936, fidèle à son idéal, il participe à l’évacuation des réfugiés espagnols. Après le putsch de Franco du 18 juillet et l’assassinat de García Lorca, Pablo Neruda se fait l’avocat de la République espagnole. Il est révoqué comme consul et commence à écrire « L’Espagne au cœur », qu’il publie en 1937. Il fonde le Comité hispano-américain pour le soutien à l’Espagne et l’Alliance des intellectuels chiliens pour la défense de la culture hispanique.
D’Espagne, sa carrière de diplomate le conduit au Mexique, où il se rapproche des muralistes, un mouvement artistique mexicain, créé en 1922 sous la houlette du "Syndicat des Peintres, Sculpteurs et Graveurs Révolutionnaires" de Mexico. A travers des fresques aux thèmes dramatiques puisés dans la vulgate révolutionnaire, les peintres muralistes visent à faire un art populaire, grandiose et pédagogique, voire propagandiste. Il faut comme on dit "exalter les forces vives du pays", car la Révolution est toujours en marche. Il rencontre Frida Khalo, artiste peintre mexicaine. En 1943, lors d’un voyage au Pérou, le poète découvre l’ancienne cité inca du XV siècle, qui lui inspire en 1950 Hauteurs de Macchu-Picchu.
Élu sénateur, Pablo Neruda devient membre du parti communiste du Chili en 1945. En 1946, il dirige la campagne électorale de Gabriel González Videla qui, une fois élu président, opère un virage à droite et se retourne contre les communistes. Le poète réagit par un discours au Sénat portant le célèbre titre d'Émile Zola : J'accuse…! Il échappe de justesse à son arrestation et se réfugie en Europe. Son exil le conduit en URSS, en Pologne, en Hongrie, en Italie. Il visitera également l'Inde et le Mexique. C'est là que paraît en 1950 son Canto general. Composée dans la clandestinité, l'œuvre est interdite au Chili.
Le temps de la paix. En 1949, Neruda devient membre du Conseil mondial de la paix à Paris. En 1952, il publie Les Vers du capitaine. L'année suivante, il reçoit le prix Staline pour la paix et, en 1955, en même temps que Pablo Picasso, le prix international de la paix. Il rencontre la femme de sa vie, Matilde Urrutia qui lui inspire le recueil La Centaine d'amour. Ouvrage qui sera suivi lors de son retour au Chili en 1952 des Odes élémentaires ». En 1957, il devient président de l'Union des écrivains chiliens.
L'année suivante il publie Vaguedivague. Soutien de la campagne électorale de Salvatore Allende, candidat à la présidence de la République, il est la cible du Congrès pour la liberté de la culture, association culturelle anticommuniste fondée en 1950. En 1964, Neruda publie Mémorial de l'Île Noire, retour sur son passé et son rêve d'une humanité plus fraternelle. En 1965, il est nommé Doctor honoris causa de l'université d'Oxford.
Le 21 octobre 1971, il reçoit le prix Nobel de littérature. Dans le discours qu'il prononce à Stockholm, le poète évoque avec tendresse les frères inconnus qui l'aidèrent à franchir les Andes alors que sa tête était mise à prix dans son propre pays (1949). Réaffirmant « qu'il n'y a pas de solitude inexpugnable et que le poète n'est pas «un petit dieu», Neruda se rallie à la prophétie de Rimbaud : «À l'aurore, armés d'une ardente patience, nous entrerons aux splendides villes», en laquelle il voit la proclamation d'un avenir certain.
En 1972, il prononce devant le Pen Club International un discours dénonçant le blocus américain contre le Chili. Géographie infructueuse paraît en mai à Buenos Aires : pressentant sa proche agonie, le poète s'interroge sur sa vie et sur son œuvre poétique.
Renonçant à son poste, il quitte la France le 20 novembre 1972 et rentre au Chili avec Mathilde Urrutia. Son peuple l'accueille triomphalement à Santiago. Ses œuvres, au fil des ans, n'ont pas cessé de voir le jour, tout imprégnées des péripéties d'une vie tumultueuse et généreuse : «Je déclare ici que personne n'est passé près de moi qui ne m'ait partagé. J'ai brassé jusqu'au coude et rebrassé dans une adversité qui n'était pas faite pour moi dans le malheur des autres.»
En 1973, Neruda participe à la campagne pour les élections de mars en écrivant Incitation au nixonicide et éloge de la révolution chilienne ; tout en chantant l'Océan et Quevedo, il fustige dans de courts pamphlets les «politicards» et les «larrons». Le 11 septembre, un putsch militaire renverse le gouvernement de l'Unité populaire. Allende est assassiné à la Moneda.
Le 24 septembre 1973, Pablo Neruda meurt à Santiago. Ses obsèques se déroulent en présence de l'armée : des chants jaillissent de la foule, témoignant, par-delà la mort, du pouvoir subversif de la poésie.
Pablo Neruda laisse en héritage une œuvre poétique majeure teintée de lutte politique et de révolte mais aussi de lyrisme, car elle est aussi un hymne à l'histoire, à l'identité, à la beauté tellurique de tout le continent latino-américain. Quelques jours avant sa mort, il boucle un livre autobiographique « J’avoue que j’ai vécu »qui sera publié à titre posthume en 1974.
Mireille HEROS
Le Machu Picchu