Installé dans son rôle de poète du roi, Malherbe n’en court pas moins après les pensions ou autres avantages en nature comme l’attribution d’une abbaye ou d’un château. Pourtant il remplit pleinement son rôle de propagandiste de la politique royale. Janvier 1610, parution de la liste des pensions. Le nom de Malherbe en est absent. Le poète cristallise son mécontentement sur Sully, qu’il n’hésite pas à critiquer. Le 14 mai 1610, Ravaillac assassine Henri IV et change le cours de l’histoire. Malherbe reçoit commande pour une pièce de vers sur la mort de Henri le Grand mais là encore, il tarde tellement que le poème n’est pas publié. (peut-être voulait-il se venger des promesses non tenues d’Henri IV?)
Marie de Médicis assure la régence au nom de son fils puis devient chef du Conseil du roi jusqu'en 1617, date de la prise de pouvoir de Louis XIII. Placé sous leur protection, Malherbe est plus que jamais poète de la cour. Il reçoit commande pour le mariage de Louis XIII avec Anne d’Autriche. Afin d’obtenir une pension, il travaille d’arrache-pied et livre, en temps et en heure, le poème sur un mariage du roi et de la reine. Cette fois, il figure sur le livre des pensions à hauteur de 1 500 livres.
En 1616, après dix ans d’absence, il se souvient qu’il a femme et enfant et prend la route pour Aix-en-Provence. De retour à Paris, son influence grandit : 13 pièces publiées en 1607, 15 en 1609, 35 en 1615 et le recueil des plus beaux vers en 72 pièces dont 12 inédites en 1627.
Mais la politique s’en mêle et Marie de Médicis, est écartée des affaires, Malherbe prend de la distance pendant quelques années tout en restant poète du roi. Opportuniste, il assiste au retour en grâce de Richelieu et s’attache à son service et le voilà nommé trésorier de France. Tous deux partagent la passion des belles lettres. Richelieu, féru de littérature aime à retrouver Malherbe et ses disciples François Maynard, Honorat Bueil de Racan, Vauquelin des Yveteaux, Yvrande, Patru, Touvant, Colomby autant de poètes et d’écrivains sur qui le cardinal peut compter. Malherbe se retrouve à la tête d’un quasi ministère de la langue française qui débouchera en 1635 sur la création de l’Académie Française, qui, aujourd’hui encore, est dépositaire de la doctrine de Malherbe1 pour renforcer l'unité linguistique de la France par le choix des mots, la musique des phrases, la rigueur du style, la recherche du purisme mais aussi son prestige auprès du roi.
Hélas le poète ne portera pas cette Académie sur les fonts baptismaux. Une fois de plus, une mauvaise nouvelle arrive d’Aix-en-Provence : la mort de Marc-Antoine, son dernier fils, assassiné à la suite d’un duel.
Sur la mort du fils de l’auteur
Que mon fils ait perdu sa dépouille mortelle,
Ce fils qui fut si brave, et que j’aimai si fort,
Je ne l’impute point à l’injure du sort,
Puisque finir à l’homme est chose
naturelle.
Mais que de deux
marauds la surprise infidèle
Ait terminé ses jours d’une tragique mort ;
En cela ma douleur n’a point de réconfort,
Et tous mes sentiments sont d’accord avec elle.
Ô mon Dieu, mon
Sauveur, puisque par la raison
Le trouble de mon âme étant sans guérison,
Le vœu de la vengeance est un vœu légitime,
Fais que de ton
appui je sois fortifié :
Ta justice t’en prie, et les auteurs du crime
Sont fils de ces bourreaux qui t’ont crucifié !
Les démarches pour faire condamner les meurtriers ont raison de sa santé. Il décède le
6 octobre 1628 à Paris non sans avoir repris, une heure avant sa mort, une servante pour une faute de français . Et de déclarer à son confesseur :
« Je défendrai jusqu'à la mort la pureté de la langue française.
1 - Dépositaire de la doctrine de Malherbe, composée de gens de lettres mais aussi de représentants lettrés de différentes professions et de divers états, l’Académie avait reçu une mission dont on mesure mieux aujourd’hui la profonde originalité : constituer avec sagesse et économie une langue qui ne fût pas celle des spécialistes, des érudits, ni celle des corporations, qui eût la clarté et l’élégance qu’on accorde au latin, où ne fût pas accentué l’écart entre langue écrite et langue parlée, qui tînt enfin sa force de son double attachement à l’usage et à la norme.