Marianna Esposito Vinzi, conférencière et membre de la Société Dantesque de France, Paris Sorbonne a rejoint l’Académie de la Poésie Française.
Elle se propose de nous faire découvrir des poètes comme Madelaine Des Roches qui tenait son salon à Poitiers. Veuve, elle éditera ses poèmes avec sa fille Catherine. Critique de l’éducation des jeunes filles, passionnée par la politique et la philosophie, Madelaine Des Roches fait l’éloge de la femme forte et savante. Avec sa fille, elle s’inscrit dans une tradition littéraire de femmes écrivaines destinées à une longue fortune.
Rappelons que Marianna Esposito Vinzi a donné une conférence sur Colette.
Sonnets de Madelaine Des Roches (1520 -1587) et de sa fille Catherine Des Roches (1542-1587)
Madelaine Des Roches
SONNET
Pleurant amèrement mon douloureux servage
Qui tient mon corps mal sain, mon esprit en souci,
Le cœur comblé d’amer, le visage transi,
Cachant l’ombre de vie en une morte image,
Je cherche vainement qui l’esprit me soulage ;
Le médecin du corps, j’éprouve vain aussi,
D’un front saturnien, d’un renfrogné sourcil,
Je trouve tout ami en amitié volage.
Voyant donc mes malheurs croître en infinité,
N’éprouvant rien qu’ennui, peine et adversité,
Un céleste désir élève ma pensée,
Disant, il ne faut plus en la poudre gésir,
Il faut chercher au ciel le bienheureux plaisir.
« N’espère pas salut en une nef cassée. »
(tiré de Les Œuvres de mesdames Des Roches, 1579)
Catherine Des Roches
SONNET
Ouvrez-moi, Sincero, de vos pensées la porte.
Je désire de voir si l’amour de son trait
Vous engrave aussi bien dans le cœur mon portrait
Comme votre beau vers à mes yeux le rapporte.
Je ne veux pas pourtant que hors de vous il sorte,
Ni que par la faveur d’un gracieux attrait
Votre cœur soit jamais d’avec le mien distrait
Pour brûler d’une flamme ou plus douce ou plus forte.
Ouvrez donc, s’il vous plaît : Ah ! mon Dieu, je me vois !
Ah ! mon Dieu, que de bien, que d’honneur je reçois !
Après que vous m’avez par mille vers chantée,
Je me vois dans vos yeux et dedans vos écrits
Et dedans votre cœur et dedans vos esprits
Par la muse et l’amour si bien représentée.
(tiré de Les Œuvres de mesdames Des Roches, 1579)