A 40 ans, Christine veut donner une image d’intellectuelle. Elle se sent douée pour les études. A longueur de vers et de prose, elle exprime regrets et frustrations d’avoir été interdite d’études dans sa jeunesse :
« Je suis comme les amoureux
Bien ardents et bien désireux
Qui ne peuvent voir ni ouïr
Ce dont désirent à jouir
De ce leur ressemble en ce pas
Car je désire ce que je n’ai pas
C’est le trésor du grand savoir ».
Libérée du gros de ses soucis, elle peut enfin se plonger dans l’objet de ses désirs : les livres. Elle replonge dans l’histoire ancienne des Hébreux, des Assyriens, des Romains, des Français et des Bretons et enfin dans les livres de poètes dont la consolation de Boèce et la divine comédie de Dante. Elle sent naître sa vocation d’écrivain. Bien entendu, il se trouve des hommes pour critiquer cet écrivain en jupon qui a une soif inextinguible d’apprendre. Un jour, l’un d’entre eux lance que ce n’est pas l’affaire des femmes d’être savantes. La preuve c’est qu’il y en a peu en ce cas...La réponse ne se fait pas attendre : si ce n’est pas l’affaire des femmes d’être savantes, c’est encore moins celles des hommes d’être ignorants. Elle a du caractère la petite Christine.
Difficile, à l’époque d’échapper à ce genre de réflexion puisque dans le petit cercle des lettrés parisiens, chacun sait ce que l’autre lit d’autant que pour lire un livre, il faut se le faire prêter. Les historiens pensent que Christine lisait déjà beaucoup avant la mort de son mari et qu’elle poursuit son auto-éducation en ayant accès à la bibliothèque du roi, dont Gilles Mallet, membre de la colonie italienne, en était le gardien.
Elle récidive en lançant une pierre dans le jardin de ses ennemis intimes, les clercs (fonctionnaires de l’Eglise), admirateurs du Roman de la Rose, avec son Dit de la rose. Elle critique ouvertement cette œuvre poétique à succès, composée vers 1230 par le poète Guillaume de Lorris, dont on ne sait rien d'autre, et la seconde par Jean de Meung vers 1275. Christine estime que la partie de Jean de Meung est méchamment misogyne, en décrivant la femme comme une vile tentatrice et séductrice, la source de tous les maux du monde, avec des allusions érotiques, sexuelles.
Christine provoque ainsi la première querelle littéraire française.