Christine fut contemporaine de la guerre de Cent Ans, un conflit entrecoupé de trêves plus ou moins longues, de 1337 à 1453. En 1410, la guerre sous toutes ses formes fait rage : guerre avec les Anglais, guerre civile, guerre des princes. La violente répression bourguignonne fait de nombreux mécontents. La colère gronde. Christine prend la plume pour écrire le livre des faits d’armes et de chevalerie, un véritable traité d’art de la guerre. Ce sera un best-seller avec au moins 18 exemplaires. (l’imprimerie n’existait pas tout était calligraphié à la main). Cette fois pas d’extravagance allégorique. Christine s’adapte à son public : les chevaliers. Elle insiste sur l’importance du professionnalisme à tous les niveaux de la hiérarchie . On est loin de la poésie courtoise.
Le 28 avril 1412, les différentes parties concluent un accord de Paix. Paris respire, les princes réconciliés banquettent. Les bonnes gens allument des feux dans les rues. Dans la liesse générale, Christine commence un nouveau livre : le livre de la Paix (suite du livre des faits et bonnes mœurs du sage roi Charles V). Une série de conseils de gouvernance pour l’héritier du roi Charles VI un jeune prince de 15 ans, le dauphin Louis duc de Guyenne. Bon sang ne saurait mentir surtout celui de Saint-Louis. Elle y croit.
Hélas, la première partie du livre est à peine achevée que la guerre civile reprend de plus belle. Découragée, Christine pose sa plume jusqu’au 3 septembre 1413, date à laquelle les différentes parties enterrent la hache de guerre à Pontoise. Mais deux ans plus tard, la défaite d'Azincourt suivie de la mort subite du jeune prince à 18 ans, décourage Christine. Elle se retire de monde et de la société des lettres et entre au couvent de Poissy où des années auparavant sa fille avait prononcé ses vœux.
Elle cesse d’écrire pendant plusieurs années. Seule Jeanne d’Arc la tire de sa trêve car elle ressuscite ses espérances. Les Anglais qui sont prêts à prendre Orléans sont vaincus par la Pucelle qui renverse le cours de la guerre. Christine reprend sa plume et écrit Le Dit de Jeanne d’Arc, saluant la jeune fille qu’elle considère comme une nouvelle lumière pour les Français. On sait ce qu’il en fut pour la jeune fille et Christine achève sa carrière de femme de lettres au couvent de Poissy où elle s’éteint à l’âge de 65 ans
Célèbre en son temps parce qu’elle était une femme savante, Christine de Pizan par son œuvre a ouvert une réflexion sur le statut et le rôle des femmes. Malheureusement, elle est tombée dans les oubliettes de l’histoire parce qu’elle était femme. Merci aux féministes d’outre-Atlantique du XXème siècle d’avoir réhabilité l’œuvre d’une femme visionnaire qui réclamait pour les filles, le droit de faire les mêmes études que les garçons..Et comme le souligne Simone de Beauvoir, dans « Le Deuxième sexe, Christine de Pizan est « la première femme à avoir pris sa plume pour défendre son sexe ».
Mireille HEROS
13 mars 2024