Vient de paraître
Clémence ou la peur de dire - Annie Lassansaa
La petite robe noire de Jean BERTEAULT
Préface
La poésie ? C'est ce qui touche un point sensible. L'amateur de poésie est un écorché vif, un souffreteux chronique. Il ne supporte l'existence qu'au prix d'un traitement régulier à base de vague à l'âme. Pour le lui administrer, le simple faiseur de vers ne suffit pas. Éluard ou René Char ne sont d'aucun secours. Il y faut un poète, c'est-à-dire Jean Berteault.
Jean Berteault, spleenologue émérite, nostalgopathe de haut vol, est un virtuose de la douleur exquise. Son talent fait merveille, qui consiste, au millimètre près, à appuyer où ça fait mal. C'est là un pouvoir que très peu ont, un don rare de guérisseur, mais de guérisseur à rebours, grâce auquel le patient voit sa névralgie s'étendre, son spleen prospérer. Succès total ! Et le bouche-à-oreille fonctionne. On se recommande mutuellement les œuvres de Jean Berteault. On s'échange ses recueils entre malheureux contents de l'être et rivalisant de ferveur élégiaque. La salle d'attente de Jean Berteault, à la configuration habituelle de sonnet, ne désemplit jamais. Comble de bonheur, le malade s'en retourne nanti d'une ordonnance aux prescriptions non moins rimées que claires.
Le vague à l'âme… Depuis Mallarmé, trop de gens cultivent le premier au mépris de la seconde. Si la beauté de la philosophie tient à son inutilité, le charme de la poésie résiderait, selon cette engeance-là, dans son obscurité. Ce n'est pas le choix artistique de Jean Berteault, dont la magie se nourrit de lumière. À sa lecture, on perçoit un murmure fraternel, on respire des effluves familiers, on comprend tout ça comme on comprendrait du Verlaine et l'évidence vous gagne. On n'est pas loin de se croire soi-même l'auteur possible de ce qu'on lit. Bien sûr, on se trompe, mais cette illusion est l'indice le plus sûr de la qualité d'un texte. C'est l'avantage des poètes. Leurs accents vous ennoblissent. Ils vous procurent le sentiment d'être quelque chose de mieux que vous n'êtes. Les poètes sont des bienfaits de la nature. Jean Berteault est un docteur miracle, un miracle tout court.
Boris MOISSARD
Écrire commentaire